Michel DUBOIS, « Pour une sociologie de la recherche scientifique : Gérard Lemaine et le Groupe d’études et de recherches sur la science », Bulletin de psychologie, 557-5, 2018
DOI : 10.3917/bupsy.557.0873.
URL : https://www.cairn.info/revue-bulletin-de-psychologie-2018-5-page-873.htm
Les premières lignes de l’article :
« Figure pionnière de l’étude des sciences en France, Gérard Lemaine a été l’un des rares représentants de cette génération « transitionnelle » récemment décrite par M. J. Nye (2011). Proche intellectuellement de Thomas Kuhn, John Ziman ou encore David Edge, il a incarné en France une conception à la fois ouverte et exigeante de l’étude des sciences. Ouverte au dialogue disciplinaire, lorsqu’il regrettait, par exemple, l’inaptitude des sociologues à s’enrichir au contact d’une riche tradition en histoire des sciences et en épistémologie, en particulier l’école de Gaston Bachelard qui, à ses yeux, devançait les thèses formulées par Kuhn sur beaucoup de points. Une conception exigeante également, car il n’avait guère l’habitude de dissimuler l’irritation intellectuelle provoquée par la lecture de tel ou tel ouvrage. Critiquant volontiers l’« esbroufe intellectuelle » d’une partie de ses collègues, il ciselait ses notes de lecture comme autant de moyens de prévenir les jeunes chercheurs contre des écrits « rutilants », « vire-voltants »…, mais ne « menant nulle part ».
À l’image de beaucoup de chercheurs qu’il a étudiés avec patience, Gérard Lemaine a mené plusieurs vies scientifiques. Ses travaux de psychosociologie (dès 1962), d’épistémologie (dès 1970) ou ceux, plus tardifs, sur le racisme en collaboration avec Jeanne Ben Brika (dès 1982) ne seront pas discutés ici. C’est à l’occasion d’un entretien, réalisé au printemps 2015, qu’il est revenu sur les moments, les rencontres, les équipes, les découvertes qui ont nourri sa conception générale de l’étude sociologique des sciences… »