Alexandra FRENOD-DUNAND, Réponse à Pénombre, à propos de Olivier Galland et Anne Muxel (dir.), La Tentation radicale. Enquête auprès des lycéens, Paris, PUF, 2018, 2019

28 janvier 2019

Chère Pénombre,

Nous avons eu connaissance il y a quelques jours de votre interlettre n°3 portant sur La tentation radicale – Enquête auprès des lycéens <http://www.penombre.org/L-Interlettre-no3>

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir prêter attention à notre réponse.

D’abord nous vous remercions d’avoir relevé dans le document complémentaire à l’ouvrage une erreur de saisie que nous avons maintenant corrigée : en effet, à la question n°39, à la ligne « Es-tu d’accord ou pas avec la proposition suivante : « On peut se moquer de tout, même des religions »? », le pourcentage des non-réponses s’élève à 2% et non pas 10%.
Bien désolés que cette erreur se soit glissée, nous avons scrupuleusement revérifié l’ensemble du document, ligne par ligne, colonne par colonne. Aucune autre erreur de report de chiffre n’a été relevée. Les totaux varient parfois entre 99% et 101% car nous avons arrondi les pourcentages pour faciliter la lecture des tableaux.
Pour être tout à fait irréprochables dans notre honnêteté, nous avons non seulement fait remplacer le document mais également fait ajouter sur le site des PUF notre « Dictionnaire des codes », qui donne toutes les précisions concernant nos traitements statistiques, relatifs à l’enquête auprès de notre échantillon mais aussi à l’enquête auprès de l’échantillon représentatif. Pour chaque question, les tableaux présentent les effectifs des réponses obtenues. Ce qui est moins lisible mais plus précis. Vous pourrez, si vous le souhaitez, le consulter ici dans la rubrique « Documents complémentaires à cet ouvrage » : <https://www.puf.com/content/La_tentation_radicale_Enquête_auprès_des_lycéens>

Voilà pour la forme, merci encore d’avoir relevé cette erreur désormais réparée.

Sur le fond – passons sur le ton sarcastique et donc peu constructif de votre article – laissez-nous maintenant réagir à vos critiques.
Dans l’ouvrage, le « prologue – carnet de terrain » est, comme son nom l’indique, un carnet de terrain. Ce n’est donc pas dans ces pages que se trouvent les analyses des résultats de l’enquête. Ce texte n’a pour objectif que de montrer au lecteur le plus précisément possible la manière dont nous avons travaillé et l’état d’esprit dans lequel nous avons réalisé cette enquête.
Le paragraphe qui contient l’extrait de phrase que vous citez « pour affiner certains résultats révélés par les tris à plat de manière pour le moins surprenante » en est emblématique. Car, si nous avons pourtant bien fait passer notre questionnaire à une centaine de lycéens dans le cadre d’une phase pilote (comme cela est précisé aussi dans le carnet de terrain et comme cela vous a apparemment échappé), cette étape ne nous a pas permis de prévoir les résultats bruts collectés. Qui, pour certains, nous ont bel et bien surpris à l’issue de la passation. C’est précisément par l’énumération de ces chiffres que nous avons voulu exprimer ce sentiment de surprise. Et c’est en effet à partir de cette surprise que nous avons construit notre guide pour conduire les entretiens qualitatifs qui allaient suivre.
Bien sûr nous nous étions rendu compte avant réception des tris à plat que la troisième sous-question de la question n°39 posait problème dans sa formulation et nous avons regretté de ne pas nous en être aperçu plus tôt… Cette question, soulignons-le, n’a d’ailleurs nullement été prise en considération dans les analyses statistiques. Mais si nous avons écrit « 80 % pensent qu’on ne peut pas se moquer des religions » c’est parce que, quand le carnet de terrain a été rédigé, a posteriori, nous savions déjà que cette déclaration n’était pas un absurde raccourci. Car les débats dans les classes nous ont largement montré que les élèves rejetaient en masse l’idée qu’on puisse rire de la religion, l’idée qu’on puisse « blasphémer »… Et si le chiffre de 80% paraît très élevé sur le seul registre du blasphème, il reflète en tout cas l’écrasant rejet, par les lycéens interrogés, du recours au rire, au nom d’un certain « respect », en particulier lorsqu’il s’agit de ce qu’ils considèrent comme « sacré ». Et si nous avons pris soin de mettre en évidence que la question avait pu être comprise autrement, nous avons cependant su faire la part des choses dans nos discussions avec les jeunes, pour pouvoir affirmer que notre question a été « dans la majorité des cas entendue dans le sens voulu ». Dans notre guide d’entretien, la formulation « Certains SEMBLENT PENSER (80%) qu’on ne peut pas se moquer des religions. Et toi, qu’en penses-tu ? » a été choisie à dessein.

Quant au titre de votre interlettre « Faut pas attacher une importance trop grande aux pourcentages », une phrase que vous avez relevée dans les propos d’Olivier Galland lors d’un débat autour de l’ouvrage, il mérite qu’on s’y attarde en quatre lignes pour en rétablir le sens que vous déformez. Dans une enquête quantitative, les pourcentages doivent être envisagés pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire la photographie d’une tendance à répondre d’une manière plutôt que d’une autre à une question. Une tendance dans laquelle, par exemple, « 80% » est une proportion qui mérite d’être mise en avant et mise en débat, aussi imprécise qu’elle puisse paraître d’emblée. C’est bien en combinant les méthodes quantitatives et qualitatives que l’on peut produire les plus fines analyses.

Ce qui est regrettable, comme vous le soulignez, c’est que « ce 80 % va voyager ! » Parfois de la pire des manières, en raison des tentatives d’instrumentalisation. Dans la presse, c’est souvent vrai. Mais aussi dans certaines critiques sur des sites internet qui, prétendant apporter de la lumière, ajoutent en fait par mauvaise foi de la confusion dans les démarches de compréhension…

En ce qui concerne la nôtre, nous vous invitons à lire l’ouvrage dans son intégralité ou au moins à vous rendre sur la page dédiée au livre sur le site du Gemass, pour accéder notamment aux comptes rendus sérieux qui en ont été faits <https://www.gemass.fr/olivier-galland-et-anne-muxel-dir>

Comme vous, nous entendons nous référer à l’état d’esprit de Nietzsche que vous citez sur votre page d’accueil : « Si ne veux que s’émousse l’acuité du regard et du sens, traque le soleil dans l’ombre ». Le soleil dans l’ombre et non pas l’ombre dans le soleil.

Avec tous nos voeux de clarté,

Alexandra Frénod
pour l’équipe de La Tentation radicale

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