Philippe STEINER, La Transplantation d'organes : un commerce nouveau entre les êtres humains, Paris, Gallimard, 2010, 342p., , 2010

Considérée comme la plus grande
avancée thérapeutique du dernier tiers
du xxe siècle, la transplantation d’organes
pose un problème inédit. Avec le «
greffon », ou organe à transplanter, une
nouvelle ressource sociale apparaît, ressource essentiellement
produite par la mort. Du coup, la mort elle-même devient une
ressource qu’il faut optimiser. La loi, les relations familiales et
la technologie médicale y contribuent, mais sans parvenir à
produire un volume suffisant de greffons. À la différence du
plasma ou des gamètes, l’organe est « incorporé » et « appartient
» à ce titre à la personne. Sous réserve de l’accord de celle-ci
ou de sa famille, il peut certes passer d’un corps à un autre,
mais sans jouir pour autant d’un statut juridique clair qui lui
permettrait d’entrer de plain-pied dans le commerce social.
Cette grande question contemporaine est pour la première
fois abordée dans toutes ses dimensions dans cet ouvrage. La
transplantation d’organes a déjà entraîné la transgression de
deux frontières : celle de la vie et de la mort et celle de la peau.
Elle suggère maintenant d’en franchir une troisième, celle du
commerce marchand. Déjà l’Iran a légalisé la vente d’organes,
et la Chine s’est faite exportatrice des greffons prélevés sur les
condamnés à mort exécutés. La traversée de telles frontières
politiques pose le problème de la commercialisation de
l’humain et, au-delà, celui de notre humanité. En ce sens, la
sociologie économique de la transplantation proposée dans
ce livre est une forme de l’anthropologie politique du monde
contemporain.

Centre_national_de_la_recherche_scientifiquelogo-Sorbonne-Universite_image_650