Pierre-Marie CHAUVIN, , « Brèche temporelle et polarisation sociale », Temporalités [En ligne], 34-35, avec Maëlle DIARRA, Margot LENOUVEL et Agnès RAMO, 2022
Cet article propose de mobiliser la notion de « brèche temporelle » d’Hannah Arendt (1961) pour penser la période d’incertitude qu’a constituée le premier grand confinement au printemps 2020. À partir de méthodes qualitatives, il propose une sociologie de la pluralité des expériences temporelles en contexte de confinement.
L’enquête, menée par entretiens semi-directifs et carnets journaliers auprès de 57 personnes issues de milieux socio-économiques hétérogènes, permet de dégager quatre principaux résultats. Tout d’abord, cette brèche temporelle se définit comme un évènement qui révèle et amplifie une polarisation sociale d’expériences temporelles, directement liée à des conditions de vie inégales. Deuxièmement, la brèche suscite des expériences de décélérations plus variées que ne le laissent penser les discours sur le confinement comme un moyen de ralentir le rythme. Troisièmement, elle a également provoqué des accélérations paradoxales, en fonction notamment de certains paramètres sociaux et familiaux. Enfin, elle s’accompagne de narrations qui ne témoignent pas d’un enfermement dans le présent. Les enquêtés tentent de donner du sens à cette période particulière par le biais de mises en récit, articulant passé, présent et futur.